Ce que nous savons sur le cerveau croit à une vitesse époustouflante, et beaucoup de choses que nous pensions savoir ou comprendre autrefois sur son fonctionnement s’avèrent être complètement fausses ou incomplètes

Le problème, c’est que si la science a déjà corrigé un bon nombre d’idées fausses, les bonnes nouvelles ne se sont pas encore propagées partout, et beaucoup de personnes restent encore enfermés dans les mythes et les croyances de l’ancien monde…

Comme le disait William Gibson :

“Le futur est déjà là. Il n’est juste pas uniformément réparti.”

Parmi les différents mythes au sujet du cerveau, il y en a un qui a la vie particulièrement dure… et qui fait beaucoup de dégats… c’est le mythe des “dates de péremption cérébrales”.

Jusqu’à il y a un peu plus de 20 ans seulement, on pensait qu’à partir d’un certain âge, souvent aux alentours de 25 ans, le cerveau n’évoluait plus… qu’il NE POUVAIT PLUS évoluer… A partir de ce moment là, les seuls changements qui pouvaient intervenir dans le cerveau étaient négatifs. Il entamait une longue et inévitable déchéance, perdant neurones et capacités cognitives de manière inéluctable, jusqu’à la mort… Une vision charmante !

Pour certaines capacités particulières comme l’apprentissage des langues, la date de péremption cérébrale était placée beaucoup plus tôt encore, à un âge variable en fonction des sources… Pour les plus pessimistes des chiffres que j’ai croisé, il ne fallait plus espérer grand chose de bon dans ce domaine après 6 ou 7 ans… Bref ! Autant dire que la fenêtre était particulièrement serrée et qu’il ne fallait pas se louper ! 😉

Les dates de péremption cérébrales
Le mythe des dates de péremption cérébrales a fait beaucoup de dégâts et découragé à tort bien des apprenants en langue!

Dans ce monde des dates de péremptions cérébrales et de la théorie d’un cerveau “figé” à partir d’un certain âge, je n’aurais jamais pu devenir bilingue en anglais, puisque je le suis devenue après 25 ans. Ou alors je n’aurais pu le devenir qu’au prix d’un effort surhumain, douloureux, presque un exploit, alors que je l’ai fait dans le plus grand plaisir et que, comme beaucoup d’apprenants adultes autour du monde, je ne me suis pas arrêtée là et ai continué ma route avec d’autres langues!

Une des découvertes les plus fascinantes, les plus excitantes et les plus libératrices que nous ont donné les neurosciences ces dernières années est celle de la neuroplasticité, cette capacité qu’a le cerveau de changer, d’évoluer et de se réorganiser tout au long de la vie, et pas seulement dans nos premières années. L’avancée des technologies et de l’imagerie cérébrale en particulier ont permis de mettre en évidence des réorganisations d’ampleur dans ce cerveau adulte qu’on pensait figé. Les recherches qui ont suivi ont montré que tous nos comportements, toutes nos actions et tous nos apprentissages changent notre cerveau. Ces changements ne sont pas limités par l’âge, et ils ont lieu tout le temps, en permanence. La neuroplasticité est ce qui nous permet d’apprendre et d’évoluer chaque jour, tout au long de notre vie. Cette capacité de réorganisation est également celle qui aide les personnes qui ont été victimes d’une attaque cérébrale de retrouver tout ou partie de leurs capacités. Si vous voulez faire le plein d’anecdotes et d’histoires époustouflantes sur la neuroplasticité, je vous conseille la lecture d’un petit livre passionnant, paru en 2014 : Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner, disponible au format poche.

Un livre passionnant : votre cerveau n'a pas fini de vous étonner

Bon, mais alors, ça ressemble à quoi la neuroplasticité ?

En fait, votre cerveau peut changer de 3 façons différentes pour soutenir l’apprentissage :

  1. Chimiquement, en jouant sur les neurotransmetteurs;
  2. Structurellement, en modifiant les connexions entre neurones;
  3. Fonctionnellement, en modifiant la façon dont les différentes zones du cerveau sont utilisées pour réaliser une fonction.

Petit zoom sur ces différents types de modifications et ce qu’elles signifient du point de vue de l’apprentissage:

Neuroplasticité : des modifications chimiques

Si le signal qui se propage le long des neurones est de nature électrique, le passage de l’information d’un neurone à l’autre se fait par l’échange de molécules chimiques: les neurotransmetteurs. Ces molécules déclenchent toute une série d’actions et de réactions sur leur passage. Pour soutenir l’apprentissage, le cerveau peut modifier la nature de ces échanges chimiques entre les neurones. Puisque ce type de changement peut intervenir assez rapidement, il supporte les mécanismes de mémoire court terme et l’amélioration court terme des performances dans une habileté physique (piano, tennis, golf, jonglage…).

Neuroplasticité : des modifications de structure

Pendant l’apprentissage, le cerveau peut également changer les connexions entre neurones, en faire disparaitre certaines ou en créer de nouvelles qui n’existaient pas un moment auparavant. On a même démontré que le cerveau, sous certaines conditions, pouvait donner naissance à de nouveaux neurones, phénomène que l’on pensait jusqu’à il y a peu complètement impossible! C’est la neurogénèse, qui a lieu dans l’hippocampe. Ces changements structurels prennent plus de temps que les modifications chimiques. Ils sont donc reliés à la mémoire long terme ou aux améliorations plus long terme des performances dans une habileté physique.

Bien sûr, ces deux processus interagissent tout au long de vos apprentissages, et la situation suivante va sans doute vous parler :

Premier jour d’entraînement: vous progressez rapidement et c’est un plaisir!

Vous démarrez l’apprentissage d’une nouvelle habileté physique, comme le piano ou le jonglage. Pendant votre première séance de pratique, vous vous améliorez hyper rapidement et vous êtes ravis. Peut-être même qu’à la fin de la première séance, vous vous dites : “Yes ! Je l’ai !”. Malheureusement, quand vous reprenez la séance d’entraînement le lendemain, vous vous apercevez que tous les progrès que vous avez fait la veille ont disparu, et vous êtes effondré.e… Que s’est-il passé ?

Deuxieme jour d'entrainement : tous les progrès de la veille semblent avoir disparu et vous etes effondre.e
Deuxième jour d’entraînement : tous les progrès de la veille semblent avoir disparu et vous êtes effondré.e

Sur le court terme, lors de la première séance, votre cerveau a été capable de jouer sur la concentration des messagers chimiques entre vos neurones pour vous aider dans votre apprentissage et vous faire progresser pendant le temps de la séance. Mais pour une raison ou pour une autre, ces changements n’ont pas induit les changements structurels nécessaires pour ancrer définitivement la compétence sur le long terme. Développer sa mémoire ou ses habiletés physiques sur le long terme demande du temps, et la performance ponctuelle d’une session de travail ne réflète pas la consolidation réelle de l’apprentissage dans le cerveau. Il va souvent falloir répéter le geste ou l’apprentissage pour le consolider et l’ancrer définitivement en compétence long terme. En ce qui concerne la mémorisation, la façon dont vous apprenez et encodez l’information dans votre cerveau est également fondamentale. Mais acquérir de nouvelles connaissances, une nouvelle langue ou une nouvelle habileté physique est complètement possible, et à tout âge!

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Parfois, les réorganisations structurelles du cerveau peuvent conduire à la création de réseaux intégrés de régions cérébrales qui travaillent de concert pour soutenir l’apprentissage. Elles peuvent également conduire à la création de zones du cerveau spécialisées dans certaines tâches ou comportements. Par exemple, les personnes qui lisent le braille ont une zone plus large qui représente la main dans le cerveau que ceux qui ne le lisent pas. Notre main dominante a également une zone plus importante dans le cerveau que celle qui ne l’est pas. Et il a été démontré que les conducteurs de taxi Londoniens, qui doivent apprendre par coeur tous les noms de rue de Londres pour obtenir leur license de taxi, ont une région cérébrale consacrée aux capacités spatiales et de localisation plus importante que la moyenne !

Neuroplasticité : des modifications fonctionnelles

Plus vous utilisez une région de votre cerveau, plus celle-ci devient mobilisable – on dit “excitable” – et facile à utiliser de nouveau. Et sur la base de cette “excitabilité” des zones cérébrales, le cerveau peut décider ‘si’, ‘quand’ et ‘comment’ une zone va être activée. Lors de l’apprentissage, l’imagerie montre des réseaux entiers de neurones dont l’activité se déplace et change en fonction du temps.

Neuroplasticité : la clé de notre évolution personnelle !

La neuroplasticité du cerveau est donc soutenue par trois types de changements : chimiques, structurels et fonctionnels. Ils peuvent intervenir en isolation, mais la plupart du temps, ils agissent de concert à travers tout le cerveau pour soutenir les mécanismes d’apprentissage, à chaque instant, et tout au long de notre vie.

Ces découvertes sont fascinantes, mais surtout, extrêmement libératrices, car elles nous rendent notre capacité à évoluer, à apprendre et à changer tout au long de notre vie, une capacité que nous enlevaient les terrifiantes “dates de péremption cérébrales”! A la fin de la lecture de cet article, votre cerveau ne sera littéralement plus le même qu’au début, chimiquement et physiquement. Vous aurez réfléchi. Vous aurez eu des idées. Vous aurez fait des liens. Le taux de neurotransmetteurs dans votre cerveau aura fluctué. Des connexions neuronales auront été créées, alors que d’autres auront peut-être disparues. Des souvenirs seront peut-être remontés à la surface, les souvenirs par exemple de tous ces moments où l’on vous a dit qu’il était trop tard pour vous. Trop tard pour apprendre le piano. Trop tard pour changer de métier. Trop tard pour apprendre une langue. Vous savez maintenant que rien n’est moins faux et que vous avez la possibilité d’évoluer et de changer tout au long de votre vie. Il vous suffit d’agir!

Bien sûr, la neuroplasticité est un phénomène neutre, indépendante des notions de bien et de mal. Elle peut donc agir dans les deux sens, pour le meilleur ou pour le pire. Toutes nos pensées, nos comportements, nos actions et nos habitudes façonnent notre cerveau. Notre responsabilité personnelle, c’est donc de sélectionner les pensées, les comportements, les actions et les habitudes qui vont nous faire grandir, et pas régresser. Cela ne dépend que de nous!

A nous de sélectionner les pensées, actions et habitudes qui nous font grandir!
A nous de sélectionner les pensées, actions et habitudes qui nous font grandir pour devenir, un peu chaque jour, la personne que l’on souhaite devenir!

En terme d’apprentissage des langues, cela signifie laisser sur le bord du chemin tout un ensemble de pensées négatives, de mythes et de croyances limitantes qui vous empêchent de progresser, celles qui vous disent que vous n’êtes pas capable, ou pas assez doué.e, ou trop vieux, ou trop vieille, ou encore que vous n’avez pas le temps… Ces pensées sont inutiles et ne font qu’une chose : vous saper le moral, baisser votre énergie, vous empêcher de croire en vous et de progresser, un petit peu chaque jour. Elles vous enferment dans une prophétie auto-réalisatrice. Petit à petit, d’échec temporaire en déception, vous finirez par abandonner, et c’est vraiment dommage!

Tirer partie de la neuroplasticité pour l’apprentissage des langues, cela signifie également passer à l’action, un petit peu chaque jour, et mettre en place les comportements et les habitudes nécessaires et appropriées pour progresser en langues et se construire, jour après jour, le cerveau que vous voulez, un cerveau bilingue ou un cerveau de polyglotte!

A vous de jouer! ✨

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