LingoDeer, Duolingo, Mosalingua, Babbel, Memrise, Quizlet…
Les applications d’apprentissage des langues se multiplient et connaissent un succès croissant auprès des utilisateurs de tablettes et de smartphones…
Les avez-vous essayé ?
Et surtout… ont-elles été efficaces pour vous ?
Si l’apprentissage des langues vous intéresse, ce qui est a priori le cas puisque vous êtes en train de lire ces lignes, je suis prête à parier que vous en avez installé au moins une… si ce n’est deux… ou même trois… 😉
En ce qui me concerne, j’ai vécu ma passion des langues jusqu’au bout et ai essayé au cours du temps à peu près tout ce qui sortait en terme de nouveautés dans le domaine…
J’y ai passé de très nombreuses heures, à dépiler des centaines de flashcards, à écouter des micro-dialogues et à jouer à des dizaines de petits jeux gamifiés…
Jusqu’à ce que je me rende à l’évidence…
C’est que cela ne fonctionnait pas pour moi…
Toutes ces applis étaient bien mignonnes et agréables à utiliser…
Mais l’impact sur mon apprentissage était minimal…
Et en cherchant un peu sur internet, je me suis aperçue que je n’étais pas la seule…
En fait, la plupart de ces applications déçoivent leurs utilisateurs, et aucun d’entre eux n’a jamais réussi à vraiment apprendre une langue avec elles, et encore moins réussi à devenir fluent ou bilingue…
Pourquoi ?
Avec tout ce que nous avons vu ensemble dans la série d’articles sur le fonctionnement de la mémoire, la raison de tout ça est presque évidente…
Pourtant, j’ai mis énormément de temps à tirer jusqu’au bout les conclusions du fonctionnement de notre cerveau…
A mettre ensemble les bouts du puzzle…
A faire A+B en quelque sorte…
Et j’ai perdu un temps considérable sur des applications et des logiciels qui ne pouvaient pas m’apporter ce que je cherchais…
Une mémorisation et un apprentissage optimal de la langue que je cherchais à intégrer.
Dans l’article d’aujourd’hui, je vous propose un petit flashback sur les développements qui ont conduit à la myriade de solutions qui nous sont proposées aujourd’hui, pourquoi ces solutions sont sous-optimales pour l’apprentissage et pourquoi, paradoxalement, elles risquent de se multiplier encore longtemps…
Je vous mets ci-dessous la vidéo YouTube que j’ai faite sur le sujet. Rendez-vous juste après pour la suite l’article!
Applications d’apprentissage des langues : quelques dates clés
La répétition espacée est un moyen extrêmement puissant de lutter contre la courbe de l’oubli.
Chaque fois que l’on revoit ou que l’on se remémore une information, le réseau de neurones associé s’active dans le cerveau, s’enrichit et se renforce.
A chaque répétition, l’information devient un peu plus durable, un peu plus persistante.
Il devient ainsi possible d’espacer de plus en plus les révisions de la même information et au bout de quelques répétitions avec des espacements judicieusement choisis, il est possible d’atteindre des taux de rétention d’information assez exceptionnels.
SuperMemo fut la première mise en application pratique, sous forme informatique, du principe de répétition espacée proposé par un certain nombre de psychologues à partir des années 30 pour une mémorisation efficace.
C’est le premier SRS informatique, SRS signifiant « Spaced Repetition System ».
D’avant-garde et révolutionnaire à l’époque, le logiciel a permis de démontrer l’incroyable efficacité de la répétition espacée pour la mémorisation de tous types d’information.
La devise de SuperMemo est d’ailleurs :
Apprenez vite et oubliez que vous oubliez !
Gary Wolf, auteur Américain et éditeur au magazine Wired, est rapidement tombé sous le charme de l’efficacité de l’outil après sa sortie et disait:
Vous voulez mémoriser tout ce que vous apprendrez à jamais? Cédez à cet algorithme!
SuperMemo est développé en Pologne depuis 1985 et a connu de nombreuses évolutions.
Néanmoins le logiciel, propriétaire, fermé, relativement cher, peu facile à utiliser et disponible uniquement sur Windows pendant très longtemps, a perdu du terrain par rapport à d’autres solutions.
Par ailleurs, les versions les plus récentes de son algorithme (à partir de la version SM-3) ont fait l’objet de nombreuses critiques. Certaines optimisations apportées à l’algorithme précédent, SM-2, auraient en effet introduit des effets pervers sur la planification des cartes mémoire et introduiraient des instabilités et des inconsistances dans les révisions.
La version 2 de l’algorithme SuperMemo, SM-2, est l’algorithme utilisé au cœur de 2 solutions open source, Anki et Mnemosyne, développées en 2003 et 2006 respectivement.
De tous les logiciels et applications utilisant la répétition espacée aujourd’hui, à ma connaissance, seuls Anki et Mnemosyne sont open source.
Et de ces 2 solutions, Anki est sans aucun doute la plus largement utilisée grâce à sa facilité d’utilisation et tout un ensemble de bonnes propriétés qu’il est le seul à rassembler!
C’est la seule solution que j’utilise et que je recommande vraiment aujourd’hui pour des raisons que nous allons voir ensemble.
Même si vous décidez de partir sur une solution différente suite à la lecture de cet article, ce qui n’est absolument pas un problème, car il faut avant tout utiliser des outils que l’on aime et avec lesquels on se sent bien, vous aurez au moins une idée précise de certains aspects fondamentaux à regarder quand vous comparez diverses solutions et vous serez à même de faire votre choix d’outil en toute conscience, en ayant conscience des avantages, mais aussi des inconvénients, des outils que vous choisissez!
Depuis 2007, une quantité phénoménale d’applications, de sites webs ou de logiciels ont été développés en incluant le principe de la répétition espacée pour faciliter la mémorisation d’informations sur le long terme.
Certains sont des sites ou des outils généralistes de répétition espacée permettant de travailler une très grande variété de sujets grâce au principe des flashcards, les fameuses cartes mémoires, comme SuperMemo, Mnemosyne ou Anki. On peut citer l’exemple de Quizlet, créé en 2007.
D’autres solutions sont entièrement dédiées et focalisées sur l’apprentissage de certains sujets, ces sujets pouvant être très divers comme l’apprentissage des langues bien sûr, mais aussi l’apprentissage du code de la route, de la biologie, de l’histoire, du droit, de la médecine, etc.
Les applications de la répétition espacée pour mémoriser des informations plus facilement et sur le long terme sont quasiment infinies.
Dès que l’on aborde un nouveau domaine, le développement d’une nouvelle compétence, il y a toujours une base minimale de connaissances à acquérir.
Même si ces connaissances sont insuffisantes à elles seules pour devenir véritablement compétent dans un domaine, être capable d’acquérir et de mémoriser plus facilement ce socle de connaissances fondamental agit comme un véritable booster pour l’apprentissage.
Ce dont il faut avoir conscience néanmoins, c’est qu’utiliser une application propriétaire, dédiée et focalisée sur un domaine précis, n’est absolument pas une garantie que l’application est bien pensée et qu’elle sera utile pour vous.
En fait, dans la plupart de ces domaines, elles ont tendance à décevoir leurs utilisateurs.
Voyons maintenant pourquoi.
Des solutions sous-optimales pour l’apprentissage
Dans le domaine de l’apprentissage des langues, on retrouve des noms connus comme Memrise, Duolingo, Mosalingua ou encore la très récente application Fluent Forever, mais j’aurais pu en citer bien d’autres!
Ces applications proposent toutes un mix de contenus linguistiques et de révisions par répétition espacée pour rendre la mémorisation plus efficace.
Toutes ces solutions sont également des solutions propriétaires, fermées, payantes avec possibilité d’utilisation restreinte de l’outil en accès gratuit, ou non.
Le fait que ces solutions soient propriétaires a tout un ensemble de conséquences auxquelles on ne pense pas forcément au premier abord, mais qui sont importantes, voire fondamentales.
Et la conséquence la plus importante sans doute c’est qu’avec ces solutions vous entrez dans écosystème fermé, un univers dans lequel vous ne pouvez pas entrer de nouvelles informations, et également un univers dont vous ne pouvez pas sortir d’information. C’est parfois complètement impossible, l’écosystème est complètement verrouillé, et parfois, il est possible d’importer ou d’exporter du contenu modulo finance, en souscrivant à un abonnement premium, mais les solutions qui offrent cette possibilité restent encore plutôt rares aujourd’hui.
Il y a bien évidemment une logique économique derrière tout ça, le but étant de vous attirer dans l’écosystème de l’application et de vous fidéliser afin que vous continuiez à payer l’abonnement le plus longtemps possible.
La conséquence de tout ça, c’est donc que la plupart de ces outils délivrent un contenu standard pré-packagé qui n’est pas, par définition, personnalisé pour vous, et qui le plus souvent n’est pas non plus personnalisable puisque vous ne pouvez pas importer votre propre contenu.
Or nous avons vu que la solution optimale pour une mémorisation plus facile, plus rapide et plus durable d’un ensemble de connaissances, c’est la répétition espacée couplée à une méthode personnalisée d’encodage de l’information que l’on souhaite retenir.
Cet encodage de l’information est une étape cruciale du processus de mémorisation.
Il a un effet considérable sur notre capacité à retenir l’information sur le long terme. Plus l’encodage de l’information dans notre cerveau est fort et plus nous la retiendrons longtemps.
Il a aussi un effet considérable sur notre capacité à retrouver cette information et pouvoir l’utiliser quand on en a besoin.
Le contexte est également un élément fondamental en langues pour l’apprentissage du vocabulaire. Apprendre des listes de mots seuls, isolés et hors contexte, n’est pas très utile, et il y a de grandes chances que vous soyiez bien en peine de les réutiliser quand vous en aurez besoin.
Il y a tout un ensemble de facteurs qui permettent d’augmenter la puissance de l’encodage d’une information dans notre cerveau.
Il faut notamment être à même de pouvoir tisser des liens multiples entre cette information que l’on souhaite apprendre et des éléments personnels, d’autres connaissances que nous avons déjà, nos propres expériences ou encore certains souvenirs.
Il faut également pouvoir placer cette information dans le contexte dans laquelle elle est utilisée, mais aussi potentiellement jouer sur le pouvoir de l’émotion pour mieux la retenir.
Tout ça requiert de pouvoir créer nos propres notes, nos propres cartes mémoire personnalisées, des cartes avec nos propres exemples, nos propres images, nos propres fichiers audio, etc. ce qui n’est pas possible avec la plupart des applications.
Toutes ces applications qui délivrent un contenu standard, pré-packagé, pensé à l’avance pour tout le monde et ne permettent pas d’ajouter cette dimension personnelle, ces liens personnels, n’adressent donc qu’une partie du processus de mémorisation.
Malgré l’efficacité redoutable de l’algorithme de répétition espacée, vous vous retrouvez donc dans la situation où vous vous acharnez à ancrer dans votre cerveau des informations de faible qualité, ou de faible force, des informations pour lesquelles vous ne pouvez tisser que très peu de liens avec les réseaux de votre cerveau.
Sans compter que le contenu de ces logiciels et de ces applications a été pensé, décidé et figé en amont « pour tout le monde ».
Le programme proposé ne vous intéressera pas forcément.
Le vocabulaire abordé n’est pas non plus nécessairement celui qu’il vous faut, celui qui est utile pour vous.
Au-delà de l’aspect mignon, fun et gamifié, avec des avatars super kawaï et des petits trophés, il est donc possible que vous vous ennuyiez assez rapidement et que, passé l’attrait de la découverte, vous désertiez assez rapidement l’application.
Le raisonnement que nous venons de faire pour l’apprentissage des langues est bien sûr valable quel que soit le domaine que vous voulez étudier!
Que vous souhaitiez apprendre des points de droit ou de médecine, la qualité de vos cartes mémoire, leur personnalisation, fera une différence énorme dans votre apprentissage.
C’est exactement la même chose que de réviser ses cours sur ses propres notes ou sur les notes prises par quelqu’un d’autre. L’efficacité de la révision n’est absolument pas la même.
Alors pourquoi ces solutions existent-elles?
Alors pourquoi ces solutions existent-elles? Pourquoi continuent-elle à avoir du succès malgré l’impact mitigé qu’elles ont sur notre apprentissage? Et pourquoi voit-on arriver toujours plus d’applications propriétaires bâties sur le même principe, dans tous les domaines?
Je vois au moins 3 raisons à ça, qui appuient sur des tendances que nous avons tous, moi y compris, des leviers psychologiques utilisés abondamment en neuromarketing.
Le premier levier psychologique, c’est notre tendance naturelle à la paresse…
Ces applications, aussi imparfaites soient-elles, nous délivrent de la contrainte de créer nos cartes mémoire par nous-même.
Elles sont donc une promesse de facilité, mais également de gain de temps – ou en tout cas, c’est ce que l’on croit – car créer une carte soi-même prend par définition plus de temps, aussi faible soit-il, que de réviser des cartes toutes faites.
Nous avons tendance à oublier que ce temps initial de création des cartes peut être extrêmement raisonnable, que le processus de création d’une carte mémoire fait partie intégrante de l’apprentissage, et que cet investissement initial en temps sera très largement compensé par l’efficacité globale du processus de mémorisation, car le matériel que l’on utilisera pour réviser sera parfaitement adapté et optimal pour nous et notre cerveau.
Le deuxième levier psychologique, c’est l’argument scientifique…
La majeure partie des solutions proposées intègrent le principe extrêmement puissant de la répétition espacée, dont l’efficacité a été mille fois prouvée.
Grâce à l’intégration de ce mécanisme, l’outil se dote d’une aura de respectabilité neuroscientifique.
Sauf que d’un point de vue neuroscientifique, nous l’avons vu, la répétition espacée n’est qu’une seule des deux parties de l’équation.
Avant de penser ancrer de nouvelles connaissances en mémoire long terme, il faut déjà travailler la qualité des mémoires que l’on se crée.
Mais ce deuxième aspect a tendance à passer allègrement sous le tapis…
Le 3ème levier psychologique est extrêmement pervers, c’est que ces applications nous maintiennent occupés…
En nous faisant dépiler chaque jour des centaines de flashcards ou jouer à des dizaines de petits jeux gamifiés, elles nous donnent l’illusion de faire ce qu’il faut, de travailler dans le bon sens en retenant des mots ou des bouts de phrases… Comme elles sont en général jolies et amusantes à utiliser, on peut y passer pas mal de temps, et au final, on a l’impression de s’investir considérablement dans son apprentissage en langues, sans remettre en cause la véritable efficacité de cet « apprentissage ». Dans mon expérience, utiliser ces applications m’a fait perdre au final beaucoup plus de temps qu’il ne m’en a fait gagner.
Anki est le seul outil à ma connaissance qui permette de personnaliser entièrement, à 100%, le contenu de vos cartes mémoire, de faire véritablement du sur mesure, pour vous et votre cerveau.
Couplées au mécanisme de répétition espacée, ces cartes mémoire que vous allez créer par vous-même et pour vous-même peuvent être un outil de mémorisation extrêmement puissant.
Aujourd’hui, Anki est le seul outil de répétition espacée que j’utilise et le seul que je recommande vraiment.
Il est open source, multi-usage et extrêmement puissant.
Il est supporté par une communauté forte et vous accompagne sur toutes les plateformes, toute votre vie, pour un coût dérisoire.
La liste de ses atouts est assez extraordinaire!
Je vous propose de les découvrir dans l’article suivant : Les atouts exceptionnels d’Anki
A tout de suite! ✨
J’ai abouti avec les années et + de 600 essais d’applis et de sites à la même conclusion (sauf que je n’aime pas trop Anki, je préfère dans ce registre un autre outil…). Certaines applis sont utiles pour l’audio en particulier et pour un usage en temps limité (l’ennui peut arriver très vite!) Des méthodes classiques à base de cours, de grammaire intensive et de listes « papier » en lien avec des vidéos, voyages, clubs de conversations sont plus performantes sur le moyen et long terme. Pour une découverte, par contre, des applis peuvent être très utiles. Le marketing web et ses gourous sont la forêt qui cache l’arbre de l’efficacité mais reconnaissons toutefois qu’ils ont su motiver de nouvelles recrues pour l’apprentissage de langues…